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On perd la gagne, la superbe

Fred, libraire chez ESPRIT BD

Le récit d’espionnage est à Matt Kindt ce que la poule au pot fut à Henri IV : le fondement de sa politique. Depuis le Super Spy de 2008 jusqu’à ce Spy Superb, les variations qu’il fait subir au thème se complètent et s’enrichissent selon un dénominateur commun, celui de la mise en scène de situations où l’utilité des espions répond de leur faculté à disparaître au moment et à l’endroit où ils sont attendus. Et la médiocrité favorise l’anonymat, c’est ce que nous explique le dernier livre de Kindt.

Imaginez Séraphin Lampion champion du renseignement. Tandis qu’il vous parle de ses exploits d’assureur ou de son oncle Anatole, qu’il vous pompe l’air et vous rase comme personne ne l’a jamais fait, il travaille pour une intelligence ennemie. C’est le principe du spy superb, un agent insoupçonnable, remplaçable aussi souvent qu’il le faut et jamais aussi efficace que redoutables sont l’autosatisfaction et l’imbécilité qui l’animent. Jay Bartholomew III est Séraphin Lampion.

Les espions de Kindt se révèlent de manière troublante, parfois abstraite. Ils se perdent dans des méandres de circonstances plus extrêmes les unes que les autres et dont la poésie doit autant à l’imagination qu’à l’humour surréalistes de l’auteur. Ainsi Jay devient sans le savoir le mythique spy superb. Il déjoue malgré lui les pièges et parvient à séduire lorsqu’il s’y attend le moins. Il fait le boulot en toute inconscience. Une fois encore, Kindt nous entraîne dans un de ses facétieux châteaux de cartes dont l’originalité apporte une voix singulière à un genre archi-revu.

Publié le 13 mars 2025