Présenté comme le parrain du rap, Gil Scott-Heron est un de ces musiciens dont le nom nous fait dire « Qui ça ? » et les chansons « Ah c’est lui ça ? ». Une sorte de gars un peu maudit, pas devenu superstar à cause d’un engagement politique trop grand, ou une vie tumultueuse émaillée de drogue, de taule et finalement du sida, qui provoquera sa mort en 2011. Un destin nimbé de mystère, trop peu connu malgré la qualité de sa discographie et la force de ses textes, lui qui se destinait au départ à être écrivain.
L’album arrive à point nommé pour remettre les pendules à l’heure. On salue le travail de Seb Piquet au dessin qui assure les 200+ pages de cette belle pavasse, et le témoignage de Thomas Mauceri au scénario qui nous raconte la quête faite de chassés-croisés, de loupés cherchant à rencontrer le Gilou pour faire un film de sa vie.
Trois pistes se mélangent au long de cet album : d’une part le témoignage de Thomas, sa rencontre avec la musique de Scott-Heron puis sa quête, d’autre part la biographie du musicien sachant qu’il y a matière à, et enfin le paysage politique changeant de cette décennie de recherche. C’est un canevas adapté au film documentaire, mais qui rend à merveille ici aussi, en BD.
On voit le temps passer au long de l’album, d’un jeune gars en école de cinéma qui découvre un artiste puis 10 ans plus tard est chargé d’annoncer sa mort à tous ses proches, d’un musicien à la discographie excellente victime de la ségrégation tout au long de sa vie et à juste titre bien remonté contre sa nation, et d’un monde qui bascule à l’attentat du 11 septembre avec un vrai bonheur à l’élection d’Obama pour revenir à une tension palpable à l’avènement de Trump.
Un album, riche, sincère, insolite parfois, enrichi d’un beau tour d’horizon de la discographie de Scott-Heron à la fin. A lire sans attendre !